Interview avec M. Ghazi Darghouth, Directeur général de la « Mediterranean School of Health »
Présentation:
Ghazi Darghouth, Directeur Général de la Mediterranean School of Health (MSH), une école spécialisée dans la formation continue dans le domaine de la santé. Son parcours, toutefois, n'est pas initialement lié à ce secteur. Il a suivi des études de commerce à l'École Supérieure de Commerce de Tunis, avant de poursuivre un Master en Science à Boston, suivi d'un MBA en Angleterre. De retour en Tunisie en 2012, il s'est intéressé à l'importance du secteur de la santé, qui dispose d'excellents médecins et d'une infrastructure solide. Cependant, ce dernier a constaté des lacunes dans la formation des infirmiers, en particulier dans l'aspect pratique.
Contexte du projet de centre de simulation:
En 2014, avec plusieurs partenaires, nous avons lancé le premier centre de simulation médicale en Tunisie, bien que modeste à ses débuts. À l'époque, la simulation médicale était une technologie relativement nouvelle, surtout en Afrique et en France. Notre objectif était de combler le manque de formation pratique des professionnels de santé grâce aux nouvelles technologies, notamment la simulation médicale. Nous avons d'abord concentré nos efforts sur les urgences et l'anesthésie-réanimation, des domaines cruciaux dans la gestion des situations critiques.
Depuis, nous avons formé environ 12 000 professionnels de santé en formation continue, grâce à notre centre de simulation en constante évolution. Notre collaboration avec Siemens Healthineers a débuté en 2019, lors d'une rencontre en Allemagne. Nous avons rapidement trouvé un terrain d'entente sur l'importance des ressources humaines dans la santé et sur le rôle que Siemens Healthineers joue dans le développement des compétences en radiologie et dans le secteur médical en général. Cela nous a conduits à collaborer pour renforcer la formation en simulation, notamment en radiologie.
Quels sont les outils mis à disposition du centre et comment les utilisez-vous en simulation?
Depuis notre partenariat avec Siemens Healthineers en 2019, nous avons concentré nos efforts sur le développement de la simulation en radiologie, un secteur dans lequel cette technologie est encore peu répandue. Avec l'émergence de nouvelles solutions digitales, notre collaboration s'est renforcée, particulièrement après la pandémie de COVID-19. Nous avons opté pour des outils encore plus digitaux, et en un an, nous avons formé près d'une centaine de techniciens, étudiants et résidents en imagerie médicale.
Grâce au soutien de Siemens Healthineers, notre centre dispose d'équipements de pointe, dont un scanner, un mammographe et un échographe, ce qui constitue une première en Afrique pour un centre de simulation. Nous utilisons également des mannequins de haute-fidélité, capables de simuler des réactions physiologiques comme les arrêts cardiaques. En complément, nous avons intégré des solutions comme le Smart Simulator pour améliorer le traitement des images et des formations en radiologie conventionnelle via la réalité virtuelle.
Comment pensez-vous que le centre de simulation contribue à la formation des étudiants et des praticiens en Tunisie ?
Aujourd'hui, il existe un véritable besoin de formation pratique pour les professionnels de santé. Bien souvent, on leur enseigne beaucoup de théorie, mais ils manquent d'expérience pratique, notamment avec des machines coûteuses. Il est difficile pour des débutants d'accéder à ces équipements, et cela limite leur apprentissage. Un enseignant en imagerie médicale m'a confié qu'à la fin de leur formation, de nombreux étudiants se limitent à savoir appuyer sur un bouton.
Avec les machines performantes de Siemens Healthineers et l'évolution des technologies, telles que la télémédecine et le télédiagnostic, il est crucial de développer des compétences adaptées. Notre partenariat avec Siemens Healthineers nous permet de proposer des formations alliant un volet académique et une pratique concrète, grâce à ces équipements de pointe.
Le centre joue-t-il un rôle dans le transfert de savoir-faire vers l'Afrique subsaharienne ?
Dès le début de notre partenariat, le volet africain a été central. Il existe en Afrique subsaharienne une pénurie de techniciens et de radiologues, tant en termes quantitatifs que qualitatifs. Ce manque de compétences, tant au niveau technique que dans la maintenance des équipements, est un enjeu majeur.
Avec Siemens Healthineers, nous souhaitons non seulement former des professionnels tunisiens, mais aussi attirer des partenaires africains pour venir se former ici en Tunisie. À terme, nous espérons les accompagner pour qu'ils développent leurs propres centres de simulation. La demande en matière de formation est énorme, et notre collaboration avec Siemens Healthineers est stratégique. Nous espérons avoir un impact concret sur le secteur de l'imagerie médicale en Afrique.
Interview avec Mme Jaqueline Groth, Cheffe de coopération Allemande à l'ambassade d'Allemagne à Tunis.
Quel a été votre rôle dans la création et le développement du centre de simulation en Tunisie ?
Le centre de simulation en Tunisie est une première dans le domaine de l’imagerie médicale par simulation. Il s'agit d'un projet pilote mené dans le cadre d’un partenariat public-privé, soutenu par le gouvernement allemand via le programme Develop PPP, sous le mandat du ministère de la Coopération économique et du Développement. Ce projet a été sélectionné lors d’un concours d’idées internationales. Le soutien financier du gouvernement allemand a été essentiel, tandis que Siemens Healthineers a fourni des équipements ainsi qu’un soutien technique et financier pour accompagner les partenaires locaux, tels que la Mediterranean School of Health, dans la mise en place des technologies modernes et des formations pour les formateurs. L'objectif principal est d'améliorer les services de santé en Tunisie tout en faisant de ce centre une plateforme de formation continue, non seulement pour le système de santé tunisien, mais aussi pour l'ensemble du continent africain.
Pensez-vous que ce centre a un réel potentiel de transmission de formation en Afrique subsaharienne ?
Oui, absolument. Le potentiel est là. Après avoir visité les installations, j’ai été particulièrement impressionnée par la modernité des technologies mises en place, ainsi que par l’engagement des partenaires publics et privés. Je suis convaincue que ce centre a le potentiel pour devenir une plateforme de formation majeure, non seulement pour la Tunisie, mais aussi pour toute l’Afrique subsaharienne.
Interview, Docteur Saoussen HANTOUS-ZANNAD
Radiologue, professeur en imagerie médicale
Présentation Générale:
Saoussen HANTOUS-ZANNAD est radiologue, professeur en imagerie médicale, cheffe du service d'imagerie médicale à l'hôpital Abderrahmane Mami à l'Ariana, présidente du Collège d'imagerie médicale, biophysique et médecine nucléaire, ainsi que présidente du Bureau national des collèges de spécialité.
Quel est votre avis sur le projet du Centre de simulation en Tunisie et son impact sur le secteur de la santé?
Pour donner un bref historique, j'ai été contactée pour la première fois en février 2020 par un expert de la GIZ, responsable du programme Develop PPP. L'objectif était de mettre en place un projet de transfert de compétences et de nouvelles technologies dans le domaine de la santé, en particulier la simulation en imagerie médicale. Aujourd'hui, la simulation est devenue une norme dans les facultés de médecine, tant pour l'accréditation que pour des raisons éthiques : l'apprentissage ne se fait plus directement sur les patients, mais via la simulation. Toutefois, jusqu’à ce projet, il n'existait pas de simulation en imagerie médicale dans les facultés de médecine tunisiennes.
Avec l'implication de l'Institut des Métiers de Santé (IMS), nous avons décidé de démarrer ce projet, en collaborant avec les enseignants des facultés. Le projet a rapidement suscité un grand enthousiasme, et nous avons pu intégrer les résidents en imagerie médicale dans cette initiative, tout en envisageant des formations gratuites au départ, avec la perspective de financer ces formations à l'avenir. Nous avons également inclus les techniciens supérieurs, qui ont grandement bénéficié de ces outils de formation, et les radiologues en formation continue.
Nous avons visité SimUSanté, le plus grand centre européen de simulation à Amiens, et avons été impressionnés par leurs équipements. Ils sont devenus partenaires du projet avec Siemens Healthineers. Malheureusement, le lancement du projet a été ralenti par la pandémie du Covid-19, mais il progresse aujourd'hui, notamment avec les techniciens. Les résidents attendent encore certains équipements, comme les simulateurs d'échographie ou de scanner, qui ont mis du temps à arriver. Nous mettons un accent particulier sur la radiologie interventionnelle, car il y a un manque de formateurs en Tunisie dans ce domaine.
Avez-vous eu l'occasion d'utiliser les outils du centre ?
Nous avons principalement utilisé la simulation haute-fidélité pour la gestion des accidents liés aux produits de contraste, qui peuvent survenir dans les services d'imagerie médicale. Nous avons également essayé l'échographe et utilisé le simulateur Smart, qui permet aux résidents d’accélérer leur courbe d’apprentissage, notamment en ce qui concerne les techniques d’examen et l'interprétation des résultats sur les scanners. Bien que la formation ne soit pas encore complète, nous avons déjà commencé à travailler avec ces outils et continuerons à former les résidents.
Pensez-vous que ce centre a la capacité de transférer ces compétences vers l'Afrique subsaharienne ?
Je n’en doute pas. L’avenir se dirige clairement vers l’Afrique subsaharienne. Nous accueillons déjà des résidents africains en formation dans nos services, et ce centre pourrait jouer un rôle clé dans ce transfert de compétences. Nous pourrions envisager des collaborations avec d’autres facultés à travers des conventions, ou directement avec le centre. Des formations pratiques pourraient également être organisées dans les hôpitaux. Je pense qu’avec ses équipements, ce centre a le potentiel de rayonner bien au-delà de la Tunisie, notamment en Afrique. Je n’ai aucun doute à ce sujet.