L'IRM a marqué un progrès considérable dans l'histoire de l’imagerie médicale en offrant la possibilité d’explorer à la fois morphologie, physiologie et métabolisme. Ses performances n’ont cessé de progresser. Au cours des dernières décennies, les progrès technologiques ont permis d’augmenter significativement l’intensité de champ magnétique des machines passant successivement de 1,5 à 3 puis 7 Tesla pour la toute dernière génération d’IRM. Cet imageur ultra-haut champ autorise une augmentation drastique du rapport signal sur bruit des images, avec une meilleure résolution spatiale et un contraste augmenté. L’IRM 7T délivre ainsi des images extrêmement précises et donne accès à de nouvelles informations.
Chercheurs et médecins disposent désormais de données qui amènent à déceler, entre autres, des lésions ou des signes, jusqu’à présent invisibles. La vocation translationnelle de l’IRM 7T se concrétise en 2017 lorsque son autorisation en usage clinique est approuvée aux États-Unis et au sein de l’Union européenne pour les applications en neurologie et en ostéoarticulaire. La dernière génération d’IRM 7T est équipée d’un mode dual permettant d’alterner entre recherche et applications cliniques.
La plus-value clinique du haut champ
Si les IRM 1,5T et 3T restent prépondérants en clinique, l’IRM 7T peut aujourd’hui être utilisé en routine clinique pour les examens neurologiques et ostéoarticulaires, deux domaines pour lesquels un certain nombre de preuves de concept ont d’ores et déjà été apportées. L’usage du 7T permet notamment d’identifier de manière plus précise et plus rapide les biomarqueurs de certaines pathologies.
Demain, l’un des potentiels d’évolution de l’IRM 7T est de couvrir d’autres parties du corps comme la prostate, l’abdomen ou encore les pathologies cardiovasculaires. Le 7T a en effet encore beaucoup à offrir, et l’évolution du hardware permet d’envisager des avancées importantes dans la prise en charge des maladies évolutives et dégénératives.
Enfin, les développements liés à l’IRM 7T bénéficient largement aux IRM 1,5 et 3T qui partagent un même langage. L’ultra-haut champ, objet d’étude d’envergure internationale, réunit une vaste communauté. A ce jour, près de 90 sites accueillent une IRM ultra haut champ dans le monde.
Ce qu’en pensent les utilisateurs
Pr Maxime Guye, chef de service à l'APHM, directeur-adjoint du centre de résonance magnétique biologique et médicale (CRMBM) de l'université d'Aix-Marseille et du CNRS, et coordinateur de la chaire académique-industrielle « 7TEAMS »
En mars 2021, nous avons fait l’acquisition du MAGNETOM Terra clinique, premier IRM à avoir obtenu un marquage CE pour une utilisation clinique en pratique courante sur des applications d’IRM neurologiques et ostéo-articulaires. Mais notre projet 7T a débuté dans les années 2010, quand nous avons commencé à travailler avec le MAGNETOM 7T dans un environnement mixte de recherche clinique et fondamentale.
Les épilepsies focales pharmaco-résistantes sont les indications phares de l’utilisation du 7T en clinique. La seule façon de parvenir à la guérison est, dans ce cas, de localiser la région responsable des crises et d’opérer. Découvrir la lésion à l’origine des crises est très utile pour le bilan pré-chirurgical. Pour plus d’un quart des patients, des lésions non visibles à l’IRM 3T le seront avec l’IRM 7T. Cette découverte nous a amenés à faire bénéficier systématiquement les patients épileptiques de l’IRM 7T dans le cadre de protocoles de recherches. En 2019, nous nous sommes réunis avec 21 autres centres internationaux avec une expérience dans ce domaine pour produire un white paper proposant les guidelines pour l’utilisation du 7T dans l’épilepsie et publié dans Neurology en 2021. Des démarches ont été engagées auprès des agences régionales de santé afin que nous obtenions l’autorisation d’utiliser l’IRM 7T en routine dans des indications précises comme celle-ci.
Dans le cas de la sclérose en plaques (SEP), l’IRM 7T permet d’observer les lésions dans la substance grise et leur activité en termes d’inflammation. Une donnée qui pourrait être très utile pour à la fois pour un diagnostic précoce et pour juger de l’efficacité d’un traitement chez certains patients.
Au-delà de l’approche morphologique, la 7T permet de réaliser l’imagerie du sodium. Nous avons démontré que cet agent majeur du fonctionnement cellulaire peut être un biomarqueur précoce de la neurodégénerescence dans la SEP, la maladie de Parkinson ou la sclérose latérale amyotrophique. S’agissant de l’épilepsie, une accumulation de sodium peut dénoter une région hyperexcitable, donc les régions responsables de crises même en absence de lésion. Dépister le processus qui va engendrer la perte de neurones ouvre une perspective importante. Des travaux ont également débuté dans la maladie d’Alzheimer mais la preuve de concept n’a pas encore été établie.
L’utilité du 7T a aussi été démontrée dans l’identification des pathologies des petits vaisseaux, du fait de l’augmentation du contraste de susceptibilité et de l’amélioration de l’angiographie par IRM. Et dans les années qui viennent, nous serons en mesure de fournir des éléments de diagnostic et de pronostics supplémentaires.
Alexandre Vignaud, physicien, responsable de la plateforme d’imagerie 7T au sein de NeuroSpin, Centre de recherche pour l'innovation en imagerie cérébrale du Commissariat à l’énergie atomique (Paris-Saclay)
L’IRM 7T de NeuroSpin est la première machine de ce type installée en France en 2008. Utilisée en recherche clinique, en neurosciences et méthodologies IRM, elle nous permet d’avancer, depuis son acquisition, sur la compréhension du haut champ en vue de l’utilisation d’Iseult, notre IRM 11,7T.
Malgré ses nombreux avantages, l’ultra-haut champ magnétique à 7T et plus encore à 11,7T présente encore quelques défis techniques notamment sur le plan de la radiofréquence (RF). Ce qui nous a amenés à travailler sur le hardware et le software afin d’homogénéiser l’émission des RF. Nos travaux ont abouti à une licence de brevet.
L’IRM 7T commence à être utilisée pour la neuroscience fondamentale. Avoir plus de signaux traduisibles par une meilleure résolution spatiale des images permet d’aller voir de manière plus fine et plus sensible des mécanismes cognitifs comme la lecture, la compréhension auditive des langues, etc. Tout cela peut avoir des applications cliniques et offre la possibilité d’avancer sur la compréhension de troubles tels que la dyspraxie, la dyslexie, etc.
Nous travaillons également sur le diagnostic des maladies psychiatriques et des démences qui restent difficilement décelables avec une IRM 3T.
L’augmentation de la résolution, la possibilité d’obtenir plus de contraste et de sensibilité offertes par le 7T permettent d’acquérir plus de données voire de nouvelles informations sur une pathologie. C’est le cas pour la maladie d’Alzheimer qui s’accompagne notamment d’une réduction de l’hippocampe plus rapide que chez une population normale. Avec la résolution de la 7T, il est possible de voir quelles régions de l’hippocampe est la plus affectée au cours de la pathologie et ainsi augmenter la spécificité diagnostic de l’examen.
Aujourd’hui, l’essentiel de l’imagerie se fait via le signal du noyau d’hydrogène. Le signal augmenté de l’IRM 7T permet d’utiliser d’autres noyaux tels que le sodium, le phosphore ou encore le lithium. Dans le cas de patients bipolaires traités au lithium, cela peut être très utile. Car si le traitement est généralement efficace, le mécanisme sous-jacent n’est pas connu. L’imagerie au lithium dont les propriétés sont similaires à celles de l’hydrogène, permet de voir où il se fixe et d’en comprendre le processus de captation. Des travaux sont actuellement en cours sur le sujet.
Pr Rémy Guillevin, Radiologue, directeur du laboratoire I3M du CHU de Poitiers, responsable de l’équipe DACTIM-MIS au sein de l’unité mixte de recherche CNRS et du laboratoire de mathématiques et applications (CNRS 7348) et porteur du projet IRM 7 Tesla au CHU de Poitiers.
Le CHU de Poitiers a inauguré à l’automne 2019 la première IRM 7T clinique ultra-haut champ de France. Initié en 2017, le projet a rapidement donné naissance au laboratoire d’imagerie métabolique multi-noyaux multi-organes (I3M) dont l’axiome repose sur deux piliers : l’intégration de données RMN par l’IA et la modélisation mathématique.
L’IRM 7T, comme les autres IRM du CHU, alimente une plateforme numérique sur laquelle nous implémentons des algorithmes d’intelligence artificielle. L’objectif est de préfigurer la biopsie virtuelle et le jumeau numérique dans le but d’éviter le recours aux méthodes invasives et de réaliser prédiction, diagnostic et suivi thérapeutique.
Le laboratoire travaille également à la réalisation de modèles mathématiques via la voie classique de la bio-statistique, mais aussi la modélisation du métabolisme cérébral et multi-organes à partir des informations biologiques obtenues par l’IRM. La représentation mathématique donne des informations sur l’évolution d’une pathologie touchant un organe. Dans le cas du gliome, représentations numériques et algorithmes permettent notamment d’identifier les mutations ayant un impact pronostique sans recourir à la biopsie. Le diagnostic va même jusqu’à la caractérisation génotypique de la lésion. Et contrairement à la biopsie classique, la biopsie virtuelle apporte l’exhaustivité.
Chaque étape franchie et validée avec l’IRM 7T est immédiatement mise au service du patient. Installée au cœur de l’hôpital, la machine a pu bénéficier à 2 000 d’entre eux en seulement un an. Lors de la première phase d’exploitation, nous avons fait passer un maximum de patients, sans tri, dans le but de tester tout ce qu’il était possible de faire avec l’IRM 7T et d’en poser les indications.
Si notre IRM peut tout explorer du cerveau, elle reste, pour l’instant, restreinte sur l’ostéo-articulaire, du fait d’un nombre limité d’antennes. Toutefois, la résolution spatiale et le contraste permettent d’identifier des structures différentes à un degré bien plus élevé que les autres IRM. Cela offre la possibilité d’affiner et de personnaliser le geste ou le suivi thérapeutique. De même, plusieurs protocoles de recherche clinique sont en cours ou seront lancés prochainement sur les maladies vasculaires chroniques, la sclérose en plaques rémittente-récurrente, Alzheimer et Parkinson. En imagerie ostéoarticulaire, il sera à terme possible de se passer de l’arthroscanner et éviter l’injection d’un produit de contraste. Nous avons engagé un travail de recherche sur le sujet.