De toutes les modalités d’imagerie médicale couramment utilisées aujourd’hui, l’IRM est probablement la plus énergivore. « Cela tient principalement au fait que l’IRM doit être alimenté 24 h/24, 7 j/7 », explique Sören Grübel, responsable de l’équipe Hardware Development for Magnetic Resonance Imaging (MRI) chez Siemens Healthineers, à Erlangen (Allemagne).
Un scanner (tomodensitomètre) peut être arrêté et ne consommera qu’une quantité négligeable d’énergie lorsque l’appareil est en veille. En revanche, l’aimant de l'IRM a besoin d’un approvisionnement énergétique quasi continu pour assurer son refroidissement. « On parle ici d’une puissance énergétique continue de 6 kW à 7 kW, à laquelle s’ajoute bien sûr l’énergie consommée lors des examens. »
Pour évaluer la durabilité des systèmes IRM, il convient donc de tenir compte de la consommation énergétique en mode veille. En l’espèce, les chiffres exacts dépendent du type d'aimant utilisé et de sa puissance."En règle générale, le refroidissement de l’aimant représente 60 à 70 % de la consommation énergétique totale d’un IRM."
Standardiser les méthodes de mesure de la consommation énergétique
Tous les fabricants s’accordent à dire qu’il faut réduire la consommation énergétique des appareils IRM. Mais il n’est pas si simple de standardiser la mesure de la consommation afin de pouvoir comparer les systèmes de différents fournisseurs, voire les différentes générations de matériels installés dans différents établissements de santé. Selon Sören Grübel, dans un pays comme la Turquie, certains systèmes IRM réalisent plus de 100 examens par jour. Ces systèmes fonctionnent donc quasi en continu. Les types d’examens réalisés doivent également être pris en compte. Il existe en effet, selon Sören Grübel, des variations notables entre les systèmes selon le type d’examen réalisé :
« Les examens de routine peuvent nécessiter une puissance d’environ 25 kW pendant le temps d’acquisition. Les examens plus complexes requièrent en revanche des séquences particulièrement énergivores, qui peuvent consommer de 70 kW à 80 kW. »
A titre d’exemple, les examens de la tête par imagerie écho-planaire (EPI), sont extrêmement gourmands en énergie. Certains examens du genou, qui nécessitent des angles de coupes spécifiques, contribuent également à alourdir les coûts énergétiques. Dès lors, comment mesurer l’efficacité énergétique d’un système IRM de manière standardisée ? C’est précisément la question que s’est posée le Comité de coordination européen de l’industrie radiologique, électromédicale et informatique des soins de santé (COCIR), qui rassemble les principaux fabricants de matériel médical. En 2011, le COCIR a lancé une initiative d'autoréglementation (SRI) pour l’écoconception des équipements d’imagerie médicale. Cette initiative a permis d’élaborer une méthodologie standardisée pour mesurer la consommation énergétique des appareils d’imagerie et établir des comparaisons entre les fabricants et entre les différentes générations d’appareils.
Économiser l’énergie consommée pour alimenter le système de refroidissement
En 2018, l’initiative d’autoréglementation (SRI) publie un rapport qui met en lumière les progrès accomplis en matière d’écoconception des appareils IRM. Selon ce rapport, la consommation énergétique moyenne quotidienne par appareil IRM est passée de 226 kW en 2011 à 165 kW en 2017, soit une réduction de près de 30 %. Pourtant, la consommation moyenne quotidienne globale a augmenté de 15 % environ, car le nombre d’appareils installés n'a cessé de grimper au cours de ces six années. Dès lors, comment expliquer la réduction de la consommation par appareil, et quelles sont les pistes d’amélioration à explorer pour optimiser encore l’efficacité énergétique ? La réduction de la consommation énergétique par appareil est largement imputable à ce que les fabricants appellent le mode d'économie d'énergie (EPM), qui agit au niveau du système de refroidissement. Il s’agit, explique Simon Calvert, de remplacer le refroidissement continu des appareils IRM par un mode permettant d’activer et de désactiver le compresseur d’hélium à intervalles définis, principalement la nuit.
Explorer d’autres pistes pour améliorer l'usage d'une énergie durable
Il existe d’autres leviers sur lesquels il est possible d’agir pour
réduire la consommation énergétique, explique Sören Grübel : « Par
exemple, lorsque la table d’examen est en position initiale, à l’extérieur du
tunnel, la désactivation des amplificateurs de gradient permet de faire baisser
la consommation d’énergie. Cette manipulation est aussi possible en
journée. » D'autres composantes du système IRM, à l’instar de certains
éléments du système électronique, peuvent, elles aussi, être éteintes quand la
table est en position initiale. « Nous avons introduit ces fonctionnalités
il y a déjà dix ans, et elles n’ont eu aucune incidence sur le flux de travail de
nos clients. Actuellement, nous nous attachons à étendre ce principe de désactivation
ciblée de certaines composantes du système, sans nuire au flux de travail. Pour
cela, il faut pouvoir éteindre et rallumer ces composantes dans un délai court.
Les flux de travail des services d’imagerie médicale doivent rester
fluides, et la qualité des examens ne doit faire l’objet d’aucun compromis. » Dans
ce contexte, les logiciels peuvent également constituer une aide pour réduire
la consommation énergétique des systèmes IRM. Dans le domaine de l’imagerie par
résonnance magnétique, la tendance est au raccourcissement des durées d’examen,
à l’optimisation des séquences et à l’amélioration du post-traitement. Ces dernières
années, le développement d’outils numériques de pointe a permis de réaliser des
progrès considérables en ce sens. Dans les années à venir, les algorithmes
d'intelligence artificielle devraient permettre de réduire encore davantage la
durée des examens et, par voie de conséquence, la consommation énergétique de
l’appareil lors de son utilisation. Malheureusement, il existe peu de chiffres pour
attester du succès de ces innovations, déplore Sören Grübel : « Le
COCIR ne se penche pas vraiment sur ces questions. L’impact est difficile à
quantifier. »
Les promesses du futur
Sören Grübel fait état de tendances à plus grande échelle, qui vont au-delà des appareils IRM et de leurs aimants : « Selon moi, il faudrait repenser à une échelle globale l’intégration des systèmes IRM dans les bâtiments et dans les infrastructures énergétiques. » L’avenir est aux bâtiments intelligents. Les hôpitaux, en particulier les grands centres hospitaliers, ne doivent pas se contenter de veiller à leur consommation d’électricité et d’eau, ils doivent également être capables de produire leur propre énergie pour couvrir a minima une partie de leurs besoins. Dans un écosystème de ce type, des outils numériques de régulation pourraient modéliser et anticiper l’évolution de certains paramètres critiques, comme les besoins énergétiques ou l’approvisionnement en eau, ou encore adapter les capacités d’autoproduction en fonction de la consommation de manière à rendre l’ensemble des bâtiments plus durable. Ainsi, un tel bâtiment intelligent serait capable d’anticiper le besoin en électricité et en eau d’un appareil IRM. Il pourrait également vérifier si ce besoin peut être assuré en augmentant l’autoproduction ou en procédant à un rééquilibrage entre production et consommation. Cette approche permettrait d’optimiser l’efficacité énergétique globale du bâtiment à grande échelle, sans pour autant avoir à faire des compromis, dans un secteur qui ne souffre aucun compromis.