Prise en charge de l’AVC,
un enjeu de santé publique crucial

En France, une personne est victime d’un accident vasculaire cérébral (AVC) toutes les 4 minutes1. Chaque année, on enregistre environ 30 000 décès liés à cette pathologie2. qui représente également la première cause de mortalité chez la femme, devant le cancer du sein. L’AVC entraîne des séquelles importantes dans 75 % des cas1. C’est d’ailleurs la première cause de handicap acquis chez l’adulte et la deuxième cause de démence. Tout cela induit des coûts vertigineux : la prise en charge de l’AVC et de ses conséquences représente annuellement 8,6 milliards d’euros3.

Et si, comme le souligne le Livre Blanc de la Conférence nationale de l’AVC3, le plan national d’action AVC, déployé entre 2010 et 2014, « a entraîné une amélioration significative de la prise en charge des accidents vasculaires cérébraux », cette pathologie n’en reste pas moins une priorité de santé publique.

Il est donc essentiel que l’ensemble des acteurs se mobilise encore davantage autour de cette pathologie, comme l’explique le Professeur Hubert Desal, Chef de Pôle Imagerie médicale et de Service de Neuroradiologie diagnostique et interventionnelle du CHU de Nantes et Président de la Société française de neuroradiologie (SFNR).

29/10/2024
Hubert Desal
Professeur Hubert DESAL,
Chef de Pôle Imagerie médicale et de Service de Neuroradiologie diagnostique et interventionnelle du CHU de Nantes et Président de la Société française de neuroradiologie (SFNR).

Difficile de comprendre en quoi la prise en charge de l’AVC ischémique représente un enjeu majeur de santé publique sans rappeler en préambule le mécanisme de cette pathologie. « Un accident vasculaire cérébral est la conséquence de l’interruption de la circulation sanguine vers le cerveau »3.

« Or, pour fonctionner, le cerveau a besoin d’oxygène et de nutriments, détaille le Professeur Hubert Desal. Mais il n’en a aucune réserve et doit être alimenté en continu par la vascularisation cérébrale . Dans le cas contraire – c’est-à-dire lors d’un AVC – les cellules du cerveau ne fonctionnent plus et le cerveau meurt très rapidement ». 

La sévérité des AVC est variable mais, la plupart du temps, « quand il se produit, il n’est pas douloureux, explique le Pr Desal. Une fonction disparaît sans causer de douleur et, souvent, les personnes qui en sont victimes ont tendance à minimiser, ce qui entraîne nécessairement un retard voire une absence de prise en charge ».

... une course contre la montre.

Or, c’est le temps écoulé entre la survenue de l’AVC et sa prise en charge qui détermine la survie et le pronostic du patient : « Il faut agir sans délai, car quelque 2 millions de neurones sont détruits chaque minute après l’interruption sanguine », alerte le Pr Desal. 

Réduire au maximum ce délai est donc crucial, d’autant plus que les traitements existants « ne sont efficaces que s’ils sont instaurés le plus rapidement possible après le début des symptômes tant que les lésions ne sont pas trop étendues ». 

Pour le Professeur Desal, « il faut donc absolument que le patient soit transporté le plus rapidement possible au bon endroit », c’est-à-dire dans une unité spécialisée (UNV) dont la répartition sur le territoire national devrait permettre l’accès de tous aux meilleurs soins, par des équipes entrainées.

Après l’appel au 15, la première étape de la prise en charge d’un AVC : l’examen d’imagerie, dont les capacités ne cessent de progresser, notamment grâce à l’Intelligence Artificielle. Comme l’explique le Pr Desal, « le scanner ou l’IRM, modalité privilégiée en France, sont incontournables car eux seuls peuvent révéler si l’accident est ischémique (80%) ou hémorragique (20%), ce qui conduit à des options thérapeutiques différentes ». En cas d’ischémie cérébrale on peut avoir recours soit à la thrombolyse intraveineuse et/ou la thrombectomie mécanique.

La thrombolyse consiste en l’injection intraveineuse d’un médicament (la thrombolyse) qui va dissoudre le caillot obstruant l’artère cérébrale. Cette stratégie thérapeutique doit être réalisée 4h30 au plus tard après la survenue de l’accident.

La thrombectomie mécanique a révolutionné depuis 2015 la prise en charge des AVC ischémiques en phase aiguë puisqu’elle élargit la fenêtre thérapeutique à 6h00 et plus dans certaines situations sélectionnées par l’imagerie. Elle est réalisée par un Neuroradiologue Interventionnel sous contrôle scopique (pouvant parfois être associée à la thrombolyse). Cette intervention consiste à recanaliser l’artère cérébrale occluse à l’aide d’un dispositif médical introduit par voie endovasculaire. Néanmoins, « cette reperfusion cérébrale n’est indiquée qu’en cas d’obstruction de grosses artères proximales, précise le Pr Desal. Et lorsqu’elle est indiquée, elle nécessite de pouvoir intervenir très rapidement… et donc, de disposer de plateaux techniques de pointe disponibles sans délai ».

« C’est d’ailleurs ce que nous attendons des industriels de santé comme Siemens Healthineers, qui sont de véritables acteurs de la prise en charge de l’AVC : être en capacité d’offrir des plateaux techniques proposant imagerie diagnostique et modalités interventionnelles, c’est-à-dire offrant une unité de lieu où se rencontrent expertise clinique, imagerie diagnostique et thérapeutique », souligne d’ailleurs le Pr Desal.

De fait, si le plan national d’action AVC a permis de développer les unités neurovasculaires (UNV), qui sont aujourd’hui au nombre de 139, on compte aujourd’hui, grâce à l’effort et au soutien de la SFNR, près de 49 centres dotés d’un plateau technique permettant de réaliser des thrombectomies mécaniques pour améliorer la couverture du territoire français et outre-mer.

Un nombre encore insuffisant pour couvrir l’ensemble des besoins et si, selon le Professeur Desal, « il n’est pas possible de faire de la neuroradiologie interventionnelle dans les 139 UNV, l’objectif est d’augmenter encore le nombre de centres de neuroradiologie interventionnelle (de mention A) pour atteindre une soixantaine en sélectionnant avec soin les territoires nécessitant sur des critères comme la taille du bassin de population ou la distance du centre de neuroradiologie interventionnel le plus proche. Grâce au changement de régime d’autorisation et aux efforts de formation des futurs professionnels, des thrombectomies pourraient alors y être réalisées ».

Ce qui permettrait également de combler – au moins pour partie – le déficit de postes de neuroradiologues et radiologues interventionnels, aujourd’hui estimé à 60…

Et dans la perspective de ce développement de la neuroradiologie interventionnelle, la robotique tape à la porte de la prise en charge à distance des patients atteints d’AVC et éloignés de centres experts en amenant l’expertise à leur chevet. « Si j’ai pu montrer beaucoup de scepticisme à cette évocation par le passé, j’y crois dorénavant, analyse le Professeur Desal. Aujourd’hui, nous en sommes au stade de la formation des praticiens, de la pratique, de la dextérité, de l’intelligence humaine et de la compétence médicale. C’est la première phase. A l’avenir, les « robots », qui sont de plus en plus performants, pourraient devenir un élément du paysage de prise en charge de l’AVC pour la reperfusion, dans certaines circonstances encadrées (éloignement, absence de neuroradiologues spécialisés) ». 

Mais, selon l’expert, cela ne peut se faire qu’aux conditions d’une excellente logistique locale, d’une montée en compétences de l’ensemble de l’équipe (anesthésistes, manipulateur en électroradiologie, experts en imagerie et neurologues), d’une supervision médicale rigoureuse et d’une pratique quotidienne : « il faut des centres où toute l’équipe est experte. On ne développe une activité d’AVC avec un plateau technique performant que si le volume le justifie. Il faut être très exigeant sinon cela pourrait devenir contreproductif et dangereux. »

Si améliorer la prise en charge des AVC est essentiel, il faut également renforcer la prévention. En effet, une part importante des AVC pourrait être évitée notamment via une meilleure « sensibilisation de la population à la connaissance et la reconnaissance des signes de l’AVC »3, bien trop méconnus.

Par ailleurs, les principaux facteurs de risques d’AVC sont aujourd’hui identifiés parmi lesquels l’hypertension artérielle, le tabagisme, le surpoids, l’alimentation et la sédentarité. Agir sur les habitudes de vie est donc également une priorité.


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