Article Table Ronde 7T

Quels enjeux et défis pour l’IRM 7T ?Retour sur une table ronde à la hauteur des enjeux

Le 9 janvier dernier, Siemens Healthineers a eu le plaisir d’organiser une journée dédiée à l’IRM ultra haut champ. Elle s’est tenue au CHU de Poitiers, précurseur du développement en pratique clinique de l’IRM 7T en France. L’évènement a été l’occasion de tenir une table ronde sur les enjeux et défis induits par cette technologie de pointe pour les équipes des établissements de santé. Des personnalités engagées sur le sujet ont pu apporter leurs analyses : 

  • Anne Costa, directrice générale du CHU de Poitiers ; 
  • le Professeur Rémy Guillevin, responsable de l’IRM 7T du CHU de Poitiers et du Labcom I3M avec Siemens Healthineers, 
  • le CNRS et le CHU de Poitiers
  • le Professeur Jean-Pierre Pruvo, porteur du projet Alliance pour la recherche en imagerie avancée en neurosciences et santé mentale (Arianes) au CHU de Lille ; 
  • le Docteur Renaud Lopes, ingénieur de recherche au CHU de Lille  
  • Julien Gervais, Responsable de la modalité IRM chez Siemens Healthineers France. 

Synthèse. 

14/05/2024
C’est le nombre d’IRM 7T implantées sur le territoire français, l’une au centre CEMEREM-CRMBM, une deuxième à Neurospin à Saclay et la troisième au CHU de Poitiers, la seule dédiée à la fois à la recherche et à la clinique. A titre comparatif, l’Allemagne en compte 13 ! 
Si d’autres établissements de santé sont en train de s’en doter à leur tour, comme le CHU de Lille et l’Institut du Cerveau à Paris, les défis pour la diffusion de cet équipement de pointe à grande échelle sont grands.

Et pourtant. Comme l’ont souligné unanimement les invités de la table ronde organisée par Siemens Healthineers, l’IRM 7T est sans aucun doute un puissant facteur de dynamisme pour un territoire. En contrée poitevine, par exemple, le projet autour de l’IRM 7T du CHU de Poitiers trouve sa genèse dans une volonté de l’établissement, voire une nécessité, de « pouvoir être représenté dans la Nouvelle-Aquitaine » face au poids lourd qu’est le CHU de Bordeaux comme l’a souligné Anne Costa, appuyée par le Pr Rémy Guillevin. Présent dès l’origine du projet, ce dernier l’a construit en se demandant avec ses équipes « quelles initiatives marquantes peut-on faire pour rester dans la course et tenir notre rang dans la grande région ? ». Pour le Pr Guillevin, il s’agissait donc de s’ancrer dans ce nouveau territoire administratif grâce à un plateau technique de pointe et d’y « marquer les esprits » mais également d’y « sédentariser les forces vives de la recherche et d’attirer, si possible, d’autres têtes ». De là, est né le projet d’installation d’une IRM 7T à Poitiers, porté par une dynamique de recherche en imagerie.

Cette belle histoire de la recherche clinique dans les CHU français, le Pr Jean-Pierre Pruvo l’a également soulignée, rappelant la nécessité d’y avoir « des équipements dédiés à la recherche ». Et c’est pour y répondre, qu’à Lille, un projet d’installation d’IRM 7T a également été mis en œuvre « pour montrer comment cette 7T allait devenir citoyenne et comment on allait la faire rayonner dans la région ». Pour lui, pas de doute : des grands plateaux techniques de pointe et « des équipes soignantes de qualité où les manips, les secrétaires, les radiologues, les ingénieurs travaillent ensemble » sont deux éléments clés pour l’attractivité d’un établissement de santé. Lequel doit, pour rendre son IRM « citoyenne », s’appuyer sur le maillage territorial des IRM et associer toutes les équipes d’imagerie des différents secteurs de la santé.

Et si les perspectives de recherche offertes par une IRM 7T sont de toute évidence fourmillantes, les évolutions « dans les soins cliniques au patient » ne le sont pas moins, comme l’a rappelé Anne Costa, qualifiant cet aspect « de très important ». La fonction duale de l’équipement permettant d’alterner entre les deux domaines, l’évaluation de l’utilisation clinique de l’IRM 7T et de ses bénéfices pour les patients et les praticiens fait partie intégrante du projet du CHU de Poitiers. Ce dernier a en effet la spécificité non seulement d’être autofinancé mais également « d’être inscrit dans la carte sanitaire », comme l’a rappelé Julien Gervais, Business Line Manager France - IRM chez Siemens Healthineers France.

Mais si tout cela semble très bien sur le papier, la mise en pratique est beaucoup moins simple et les porteurs de projet ont dû ou doivent encore faire face à certains obstacles. Cependant, si certains peuvent qualifier les centres IRM 7T « d’avant-gardistes » ou « de précurseurs », pour le Pr Jean-Noël Vallée, Chef du Service de Neuro-Imagerie et Radiologie de l’Hôpital National des 15-20, intervenant depuis la salle, on peut aussi adopter un autre angle de vision en embrassant « l’idée de Jean Cocteau selon laquelle il n’y a pas de précurseurs mais que des retardataires. Cela doit nous interroger dans nos démarches de projet d’IRM 7T car plus le temps passe, plus nous prenons du retard ».

Pour dépasser les craintes autour de l’IRM 7T – qui peut parfois être vue comme une technologie superflue – et parce que cet équipement nécessite évidemment un gros investissement, il faut donc « montrer l’originalité du projet », a reconnu le Dr Renaud Lopes qui a également souligné que l’obtention du marquage CE « a été un gros point de soutien », démontrant « à nos institutions, à la région que ce n’était pas uniquement un équipement recherche et que cela pouvait être utilisé dans le cadre de la clinique » avec « des machines qui (…) devenaient de plus en plus faciles » dans cette utilisation. Un point de vue corroboré par le Pr Vallée pour qui « une IRM 7T relève d’une démarche s’inscrivant dans un projet porteur de sens au service de problématiques de santé publique, retenant ainsi une certaine écoute et un certain enthousiasme de la part des institutionnels ».

Et de fait, c’est bien ce double versant recherche fondamentale/recherche clinique offert par l’IRM 7T qui est à la fois novateur et d’un grand intérêt. Reconnaissant que cela nécessite une certaine « logistique à mettre en place », le Pr Guillevin a cependant dressé un bilan des plus positifs du modèle mis en place qui a permis de « faire rentrer la science plus avant dans l’imagerie, c’est-à-dire de ne pas regarder l’imagerie sans comprendre ce qu’il se passe derrière et sans convoquer les outils ad hoc ». Car, à Poitiers, le laboratoire de recherche I3M CNRS Siemens Healthineers a été conçu avec l’ensemble des différentes compétences, y compris scientifiques, réunies sur une unité de lieu : une condition fondamentale pour « provoquer l’adhésion des médecins aux travaux fondamentaux, aux travaux cliniques et, finalement, à l’utilisation de la machine ».

Le Pr Jean-Noël Vallée a pointé un défi de taille à relever dans l’installation et l’utilisation d’une IRM 7T : « la transversalité des connaissances entre des ingénieurs, des mathématiciens, des médecins, des ingénieurs-médecins ou des médecins-ingénieurs est extrêmement importante ».

Un rapprochement entre des équipes cliniques, mathématiques et techniques est non seulement possible mais également « remarquable » comme l’a qualifié Anne Costa. La clé de la réussite, « c’est aussi d’avoir une proximité très forte (…) entre le CHU et l’Université, a corroboré depuis la salle Christine Fernandez-Maloigne, Vice-présidente de l’Université de Poitiers et co-directrice du laboratoire I3M. Elle a par ailleurs souligné l’importance de cette « agilité à travailler ensemble » dans l’intérêt des patients d’un territoire, de la recherche et donc, de la visibilité des établissements. Et, en matière de synergie, de complémentarité et d’égalité, l’équipe du CHU de Poitiers – la plus avancée dans son projet IRM 7T – est vraiment un exemple de collaboration et d’échanges : la recherche fondamentale se nourrit des problèmes cliniques et vice-versa.

Des propos renchéris – toujours depuis la salle – par Geneviève Gaschard, Directrice des ressources biomédicales du CHU de Poitiers : « tous les projets que l’on mène (…) sont pluridisciplinaires et la force que l’on a, c’est l’humilité, la complémentarité des compétences de chacun, (…) la compréhension de l’écosystème de chacun (…) ». L’objectif étant, in fine, de trouver des solutions ensemble, dans des environnements mouvants et en tenant compte des difficultés de recrutement mais aussi – et surtout – financières.

Déployer un forfait technique est pour cela « fondamental » a souligné le Pr Jean-Noël Vallée selon qui « une mauvaise négociation d’un forfait technique risque de freiner ou de ralentir [mais] une très bonne négociation va engendrer un essor fondamental et phénoménal » de l’IRM 7T en France.

Le défi ? Aider les équipes actuelles « à obtenir une compensation financière acceptable pour les établissements », a expliqué le Pr Guillevin, qualifiant par ailleurs le modèle économique actuel de « très difficile ». Au CHU de Poitiers, et grâce à un travail pluridisciplinaire avec les directions de l’établissement, des finances, de la recherche, biomédicale, une réflexion a été menée sur « un calcul au plus juste du forfait technique qui pourrait nous apporter (…) un début d’équilibre financier », a poursuivi Rémy Guillevin.

Trouver des financements est en effet une préoccupation quotidienne pour les porteurs de projets. Mais c’est bien connu : à plusieurs, on va plus loin. La multiplication des projets dans différents centres et l’intérêt croissant suscité par les potentialités de l’IRM 7T vont sans aucun doute participer à son développement : pour Madame Costa, l’important en effet est de faire les démarches ensemble pour « essayer d’obtenir la reconnaissance d’un acte ».

Forts de l’expertise déjà acquise, notamment au CHU de Poitiers, il faut maintenant « réfléchir tous ensemble » pour obtenir les financements auprès des tutelles, a insisté le Pr Jean-Pierre Pruvo, pour qui il est important de travailler aux niveaux national (avec le G4, la Société Française de Radiologie, la HAS et la CNAM), régional (avec le Conseil régional, les ARS, l’Assurance maladie) et européen (avec le Fonds européen de développement régional).

Déployer un forfait technique est pour cela « fondamental » a souligné le Pr Jean-Noël Vallée selon qui « une mauvaise négociation d’un forfait technique risque de freiner ou de ralentir [mais] une très bonne négociation va engendrer un essor fondamental et phénoménal » de l’IRM 7T en France.

Le défi ? Aider les équipes actuelles « à obtenir une compensation financière acceptable pour les établissements », a expliqué le Pr Guillevin, qualifiant par ailleurs le modèle économique actuel de « très difficile ». Au CHU de Poitiers, et grâce à un travail pluridisciplinaire avec les directions de l’établissement, des finances, de la recherche, biomédicale, une réflexion a été menée sur « un calcul au plus juste du forfait technique qui pourrait nous apporter (…) un début d’équilibre financier », a poursuivi Rémy Guillevin.

Trouver des financements est en effet une préoccupation quotidienne pour les porteurs de projets. Mais c’est bien connu : à plusieurs, on va plus loin. La multiplication des projets dans différents centres et l’intérêt croissant suscité par les potentialités de l’IRM 7T vont sans aucun doute participer à son développement : pour Madame Costa, l’important en effet est de faire les démarches ensemble pour « essayer d’obtenir la reconnaissance d’un acte ».

Forts de l’expertise déjà acquise, notamment au CHU de Poitiers, il faut maintenant « réfléchir tous ensemble » pour obtenir les financements auprès des tutelles, a insisté le Pr Jean-Pierre Pruvo, pour qui il est important de travailler aux niveaux national (avec le G4, la Société Française de Radiologie, la HAS et la CNAM), régional (avec le Conseil régional, les ARS, l’Assurance maladie) et européen (avec le Fonds européen de développement régional).

La formation et la diffusion des connaissances constituent un enjeu de taille. A commencer par la formation des radiologues eux-mêmes comme l’a rappelé le Dr Renaud Lopes : dans les Hauts-de-France, l’objectif est ainsi « de faire résonner ce qu’on apprend sur les IRM 7T vers les IRM 3T (…) : le radiologue augmenté a une culture de l’IRM 7T » avec des nouveaux marqueurs qu’il a identifiés et qui « lui ouvrent une nouvelle perspective, une nouvelle vision sur les IRM 3T ».

Au sein des laboratoires, l’enjeu est également important comme l’a souligné Christine Fernandez-Maloigne qui a prôné un large décloisonnement des études médicales : « dans la formation, il faut (…) ouvrir la porte aux étudiants en médecine sur le monde industriel, sur l'international aussi ». Elle s’est d’ailleurs réjouie de voir, au sein du labo I3M, des jeunes docteurs en IA travailler aux côtés de jeunes radiologues, neurologues ou généticiens. « On peut être optimiste sur les années à venir en termes de formation, a confirmé le Dr Renaud Lopes rappelant l'Appel à Manifestation d’Intérêt « Compétences et métiers d’avenir » du plan France 2030 qui a pour objectif de développer le double cursus ingénieur-médecin : « cette culture commence à s'ancrer à la fois au niveau des facultés de médecine, de sciences et même du gouvernement. » Ce qui devrait permettre, à l’avenir, de disposer de cette compétence mixte qui pourra faciliter à la fois la discussion puis l'élaboration de projets pluridisciplinaires pour améliorer toujours plus la prise en charge des patients, l’objectif de tous.

Nombreux sont les intervenants de la table ronde à l’avoir pointé : le métier de radiologue est en train de changer. « Aujourd’hui, l’imagerie n’est plus ce qu’elle était il y a 20 ans, c’est-à-dire considérée généralement par les cliniciens comme le supplétif d’une étude qu’ils portaient eux-mêmes, a constaté le Pr Rémy Guillevin. Aujourd'hui, c'est nous qui proposons des sujets de recherche scientifique parce que nous avons compris (…) à quel point les sciences dures sont indispensables pour avancer sur la compréhension de ce que l'on fait en médecine ».

Une position des neuroradiologues à la fois très challengée et très stimulante comme s’en est réjoui le Pr Hubert Desal, le président de la SFNR, s’adressant depuis la salle aux invités de la table ronde : « nous avons la particularité d’avoir inscrite [dans notre génome] une certaine technophilie (…) et nous avons été à l'origine de ruptures en termes thérapeutiques et de prise en charge des patients dans le domaine des neurosciences. (…) Et aujourd'hui, nous faisons face à une importante rupture : (…) notre métier est en train de totalement changer. (…) Bien évidemment, vous êtes des précurseurs, vous nous tirez vers l’avant et vers le haut (gradients) : nous sommes en train d’écrire une nouvelle page. »

Le temps d’échanges avec la salle à l’issue de la table ronde a été l’occasion de se pencher sur les liens entre les mondes de la recherche, médical et industriel. 

C’est Hassan Safer-Tebbi, Président de Siemens Healthineers France, Belgique et Luxembourg, qui a mis le sujet sur la table, s’interrogeant sur la manière d’améliorer encore les liens entre ces différents univers afin de construire un dialogue d’une profondeur, d’une fluidité et d’une qualité encore accrues, à l’image de celui qui prévaut en Allemagne ou en Grande-Bretagne, par exemple.

Pour le Pr Rémy Guillevin, il s’agit avant tout « d’une affaire d’Hommes ». Rappelant que, à son arrivée au CHU de Poitiers, « il n’y avait pas du tout de culture de collaboration avec les industriels », il explique l’ampleur du partenariat entre son établissement et Siemens Healthineers aujourd’hui par une « réelle synergie entre les projets technologiques et les projets scientifiques » avec des relations qui se sont « étoffées, tissées et densifiées très rapidement avec le temps ». Et d’ajouter : « cela reste une affaire éminemment humaine » qui n'est donc pas « réplicable partout ». À quoi s’ajoutent des freins culturels importants dont le cloisonnement entre mondes médical, industriel et de la recherche dans un pays où les collaborations entre industriel privé et établissement public sont loin d’être innées… Au CHU de Poitiers, ce n’est plus un tabou. Plus encore, « sans ce partenariat, on n’aurait pas décollé, insiste le Pr Guillevin pour qui le clivage se situe plutôt aujourd’hui entre « les industriels capables de comprendre » qu’un partenariat est du donnant-donnant et ceux qui n’en ont « pas encore compris l’intérêt » du travailler ensemble.

Un point de vue partagé par Christine Fernandez-Maloigne qui a appelé de ses vœux une augmentation du nombre de laboratoires communs « à condition que les entreprises soient prêtes à ne pas demander une rentabilité immédiate mais à investir finalement dans une recherche appliquée un peu plus prospective ». En sa qualité d’universitaire, la vice-présidente du laboratoire I3M a salué la « grande confiance et la grande liberté » sur lesquelles repose le partenariat : « Siemens Healthineers a fait le pari de nous laisser investiguer dans certains domaines qui ne sont peut-être pas [pour l’entreprise] d’un intérêt immédiat ».